Cliquer sur les miniatures pour zoomer
       


Analyse et article réalisés par Jacques Lapaire
Sable collecté et mise en page par Pascalehh



Six échantillons ont été récoltés sur cette même plage entre 2006 et septembre 2009.


Observation préliminaire :
Les échantillons prélevés à différentes dates sont très variés l’un de l’autre, passant d’un sable clair de granulométrie fine à un sable contenant des éléments foncés en assez grande quantité. Un échantillon bien plus grossier a été récolté en avril 2007. Ce sable contenait de nombreux gastéropodes et des grains noirs, spongieux, assez grossiers ressemblant à des fragments de lave vacuolaire. Un autre sachet contenait des granules noirs, irréguliers, mais polis par la mer et mesurant près de 20 mm de long.


Observations à la loupe binoculaire et essais simples :
Ce sont les gros granules que j’ai analysés en premier lieu.
Couleur : noir.
Trait (sur porcelaine blanche) : brun.
Trait (sur papier) : laisse une légère trace brune.
Diaphanéité : parfaitement opaque.
Habitus / morphologie : granule usé par la mer ; on distingue une légère schistosité selon une direction.
Cassure : conchoïdale. En cassant le granule à l’aide d’une pince, Jacques a obtenu une cassure de texture ligneuse, comme celle du lignite (première indication d’intérêt).
Éclat résineux, parfois métallique sur la cassure.
Densité : assez léger < 3.0
Dureté : assez faible < 5.5
Magnétisme : aucun, même à l’aimant au néodyme.
Frottement : aucune apparition d’électricité statique.
Fusion : brûle facilement dans la flamme du bec Bunsen, en donnant une flamme courte, jaune orangée et en dégageant une odeur bitumineuse.


Analyse :
La présence de carbone est évidente ; j’ai alors reproduit l’expérience effectuée lors de l’analyse du sable de la plage de Rochebonne à Saint-Malo (Lapaire & Meisser, 2007) : un fragment est placé dans l’éprouvette en présence de nitrate de potassium. Le tout est chauffé au bec Bunsen, lentement puis fortement. Après fusion du nitrate de potassium, le mélange a produit une forte combustion et l’éprouvette a éclaté ! Expérience réussie ! En effet, pour tester le carbone, nous nous sommes servis d’une expérience dite « de chimie amusante » (prudence quand même !). Basée sur le principe fondamental de la combustion, nous avons utilisé le nitrate de potassium comme comburant. Que se passe-t-il ? Le combustible (le carbone) brûle en présence d’un comburant (une substance qui génère de l’oxygène), dans notre cas le KNO3. C’est l’énergie fournie (la chaleur du bec Bunsen) qui déclenche la réaction. Celle-ci est exothermique (elle produit beaucoup de chaleur) avec projection d’étincelles. La production de chaleur est telle qu’elle peut même faire éclater l’éprouvette !

Il y a donc présence de carbone, cette analyse le confirme, mais elle ne donne pas d’autre indication. On peut donc parler de charbon en général, de houille, d’anthracite, de lignite, de jais etc. En fonction des caractères physiques observés ci-dessus, mon opinion irait plutôt vers la houille ou même vers l’anthracite à cause de l’éclat vif de la cassure conchoïdale. Mais le trait brun nous dirigerait plutôt vers le lignite ou le jais. L’échantillon ne tache pas les doigts. Une cassure fraîche (faite avec une pince à couper) est parfois ligneuse ; elle montre encore les traces fossiles du lignite primaire qui a évolué.


Origines possibles :
On peut se poser la question de l’origine de cette matière sur la plage de Port-Neuf. Plusieurs hypothèses peuvent être énoncées : soit la houille provient d’une couche géologique à proximité du rivage ou sous-marine. L’hypothèse d’un bateau qui aurait coulé et perdu (ou déversé) son chargement près du port est aussi possible. Plus réaliste, des restes d’un stock de minerai provenant d’une ancienne usine (fabrication de coke ou de gaz d’éclairage) qui auraient été jetés en mer (ou abandonnés) puis remaniés et déposés sur la plage.


Internet :
Toujours très utile pour les recherches, l’Internet m’a permis de découvrir l’existence d’une usine à gaz (datant de 1932) à Châtelaillon-Plage, donc pas bien loin de La Rochelle ! Mais Pascale précise n’avoir pas retrouvé de grains noirs sur d’autres plages. Le minerai aurait bien pu arriver par bateau directement au port de La Rochelle. D’ailleurs, le Web précise que la houille vient des Deux-Sèvres (gisement de Saint-Laurs), à la limite de la Vendée (1840-1916), mais que la quantité disponible sur le marché (à l’époque) est insuffisante et que l’on importe un complément du Royaume-Uni. Cette houille arrive dans les ports de La Rochelle et de Tonnay-Charente. Elle est responsable de la plus grande partie du trafic du port de La Pallice (La Rochelle) dans les années 1930.


Littérature :
On cite également dans la littérature (Escard, 1906) l’inflammation des charbons à bord des navires. Je citerai comme exemple la phrase de Jean Escard « Sur 2 149 navires chargés de charbon qui ont franchi le Cap Horn, de 1888 à 1897, on n’a constaté que 13 cas d’échauffement ou d’incendie, soit 1,4 %, alors que la commission anglaise de 1876 avait évalué à 3,5 % la fréquence des sinistres sur 490 navires observés ». Un navire a donc très bien pu prendre feu dans le port ou près de La Rochelle ; il conviendrait de consulter les archives locales.


Charbon, tourbe, lignite, jais (ou jayet), houille, anthracite, coke, cokéite…
Explications :

Charbon et/ou houille, les définitions diffèrent selon la source ! Dans un but de simplification, nous adopterons ici la définition utilisée en économie : on regroupe sous l’appellation « charbon » la houille, le lignite et le coke, obtenus par carbonisation de la houille ou de résidus pétroliers (source : Enjeux planétaires énergétiques, document issu du Web, 2009).

La tourbe est une matière combustible, brunâtre ou noirâtre, légère et plus ou moins spongieuse, formée suite à l’accumulation massive - sur de longues périodes géologiques - de végétaux dans un milieu saturé en eau. On distingue bien les débris végétaux. Elle contient moins de 50 % de carbone.

Le lignite est déjà une roche sédimentaire composée de restes fossiles de plantes. Nous nous situons ici entre la tourbe et la houille. Contient 50 à 60 % de carbone.

Le jais (ou jayet) est une variété de lignite noir, homogène et compact aux reflets bleu métallique. Il est possible de le travailler pour en faire des bijoux (principalement des bijoux de deuil). La dureté va de 2,5 à 4, la densité est de 1,3. L’éclat est cireux à vitreux, le trait brun. Le jais s’électrise quand on le frotte, de plus il produit une odeur de charbon lorsqu’on y plante une aiguille chauffée.

La houille est une roche carbonée, véritable roche combustible fossile datant principalement du Carbonifère. La couleur est noire et elle est grossièrement feuilletée. Elle peut être brillante et compacte ou terne et friable. Selon sa contenance en carbone, Emmanuel-Louis Gruner, ingénieur français (1809-1883), distingue la houille sèche à longue flamme, la houille grasse à longue flamme, la houille grasse proprement dite, la houille grasse à courte flamme, la houille maigre et la houille anthracite. Contient entre 75 et 95 % de carbone selon la variété. Plus la houille est riche en carbone, plus elle fournit de chaleur, mais moins elle donne de gaz combustibles, c’est-à-dire de flammes.

On considère l’anthracite comme une variété de houille évoluée et de qualité supérieure. Plus dense que la houille, elle ne tache pas les doigts. Grise, noirâtre et brillante, elle contient 92 à 97 % de carbone. Elle s’allume difficilement, mais après, elle brûle sans fumée en dégageant beaucoup de chaleur.

Quand on distille de la houille, on obtient du gaz d’éclairage et des sous-produits : goudrons, coke, etc.

La distillation de 1000 kg de charbon donne environ :
330 m³ de gaz,
30 kg de goudron,
10 kg de benzol,
6 kg de sulfate d’ammonium,
et surtout 750 kg de coke résiduel !

Le coke est donc un produit artificiel, fabriqué par l’homme en distillant la houille. Les utilisations de la houille et du coke sont nombreuses : pour le chauffage domestique, comme carburant dans les locomotives, pour les machines à vapeur, pour fabriquer la fonte, dans les aciéries et pour produire du gaz d’éclairage.

Des goudrons, on retire encore des produits très variés : de la benzine, de la naphtaline, diverses matières colorantes et même des parfums ! Par la carbochimie, notre monde moderne va au-delà encore et on extrait du charbon originel : ammoniaque, engrais nitrés, acétylène, textiles, caoutchoucs, explosifs, produits pharmaceutiques, du nylon, du plexiglas, des vernis et des détergents.

Un minéralogiste français décrit sous le nom de cookéite un coke naturel que l’on peut trouver après des incendies spontanés de gisements de houille (Lacroix, reprint 1977). Ce nom est malheureusement maladroit puisqu’un autre minéral, un phyllosilicate de lithium et d’aluminium porte déjà ce nom (Brush, 1866).


Image d’anthracite (source Web : University of Pittsburgh - Pennsylvania) :




Image de coke, après que la houille ait perdu ses éléments volatiles, (source Web : Wikipédia) :




Observation complémentaire des sables reçus :
Ceux-ci sont notés T1 à T6 avec les dates de récolte :

T1 : JL 11134 (2006)
T2 : JL 11135 (avril 2007)
T3 : JL 11136 (avril 2007)
T4 : JL 11137 (13 septembre 2009)
T5 : JL 11138 (13 septembre 2009)
T6 : JL 11139 (27 septembre 2009)
JL 11140 : granules noirs (13 septembre 2009)

Malgré la granulométrie différente de ces échantillons de sable (mais aussi la couleur qui diffère), tous contiennent les mêmes éléments constitutifs, mais en proportions variables :

Donc verre, scories de coke, amiante indiquent une plage assez fortement polluée par des déchets industriels !

Site d’intérêt :
http://inventaire.poitou-charentes.fr/patind/pi/3ressourcesnat/2houille/3ressourcesnat_2houille.html


Bibliographie :
Escard J. (1906) - Le carbone et son industrie. H. Dunod et E. Pinat, Éditeurs, Paris.
Lacroix A. (1977) - Minéralogie de la France et de ses anciens territoires d’Outre-Mer. Tome IV. Reprint Librairie René Thomas, Paris.
Lapaire J. & Meisser N. (2007) - Le sable noir de Saint-Malo, France. In : Bulletin AFA n° 12, Bourges.
Orieux M. & Everaere M. (1971) - Sciences naturelles, Hachette, Paris.